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Chez Aleks
15 juin 2007

Le Bal des Tziganes

DU BEAU MONDE AUX BALKANS

Les_Balkans

Où débutent les Balkans ? Où se terminent-ils ? Mieux vaut ne pas se contenter de la seule géographie, démarche rassurante, mais insuffisante car les brusques changements de frontières brouillent régulièrement cartes et populations. On peut convoquer l'histoire, mais cette dernière est trompeuse. Entre Belgrade et Plovdiv, l'histoire n'est pas unique, mais multiple, contradictoire et souvent farcie au piment fort de la mythologie. Je préfère dès lors la définition du cinéaste Tony Gatlif, grand arpenteur de l 'Est : "c'est là où on se perd".


A propos de boussole affolée, voici une histoire vraie balkanique qui pourrait aussi bien n'être qu'une légende hellène avec son cortège de sirènes. Ce récit est devenu un documentaire, signé Adela Peeva et intitulé "D'où vient cette chanson ?" ("Cia e tazi pesen?" en V.O.)

Il était une fois des amis attablés dans une taverne stambouliote.
L'atmosphère y est plaisante et bavarde, entraînée par le raki et l'orchestre del'établissement. C'est alors que chacun des convives reconnaît l'air joué par les musiciens. "Cela vient de chez moi !" s'exclament d'une seule voix les amis bulgares, grecs, turcs et serbes. Si tout le monde la revendique sienne, d'où vient donc cette chanson ? Bercée durant son enfance bulgare par cet air chaloupé, Adela Peeva n'aime pas les points d'interrogation. Elle boucle aussitôt sa valise en emportant un dictaphone plus une caméra; et part sur les traces de cette mélopée mystérieuse.

En Turquie, la voyageuse rencontre des fanfares militaires. En Grèce, ce sont d'indécrottables romantiques qui lui sussurrent presque les mêmes mots, le même refrain. A Sarajevo, la mélodie a galvanisé les combattants alors qu'à Skopje, elle ponctue l'enseignement des derviches. En Albanie, Adela Peeva note qu'elle provient d'un petit village et existe "depuis toujours, sachant que la culture albanaise est la plus vieille du monde". Dans une vallée macédonienne, des tziganes lui désignent une ferme délabrée où fut chanté pour la première fois cet air composé par une sulfureuse gitane. En Serbie, l'affaire est soigneusement répertoriée par le pope : "cette chanson a été écrite ici même en l'honneur d'une belle chanteuse tzigane, qui a triomphé plus tard au cinéma". Lorsqu'elle évoque dans un café serbe l'existence d'une version bosniaque, Adela Peeva déclenche un pugilat et ne doit son salut qu'à la fuite. Revenue en Bulgarie, elle découvre l'air au cours d'une commémoration patriotique sur le champ d'une ancienne bataille remportée contre l'Empire ottoman. On lui promet la pendaison si elle ose prétendre cette chanson turque. Irrésolue, la quête d'Adela Peeva se termine par un incendie, des imprécations de vieilles tsiganes et l'intervention d'une armée moitié pompier moitié pyromane.

Lors de la présentation récente de ce film, ma voisine esquissa un sourire ironique : "mes parents me la chantaient avant l'exode, quand nous habitions sur la côte turque : c'est donc une ancienne chanson séfarade adoptée par les peuples au contact de la diaspora juive".  D'autres ont prétendu la chanson turque - sa présence correspondant à l'ancien territoire ottoman - ou tsigane, "puisqu"ils voyagent partout et recopient les airs qu'ils entendent". Sommé par les spectateurs d'indiquer l'origine précise de cet air si...balkanique, un ethnomusicologue s'en tira par une pirouette : "cette tâche impossible me rappelle ce collectionneur qui répertorie inlassablement tous les enregistrements de Besame Mucho".

"Besame Mucho" ? J'en ai découvert une version tonitruante en Serbie du Sud. Cela se passe dans le train qui relie cahin-caha Vladicin Han à Nis (carte ci-contre).Vladicin_Han___Nis

Le vieux trompettiste Osman peine à écrire son nom sur un bout de papier, mais n'a pas son pareil pour négocier le prix du billet avec le contrôleur ou pour enseigner le b-a-ba du répertoire gitan à son orchestre de chats pelés.  Ses musiciens, quatre adolescents aus instruments rafistolés avec des élastiques, espèrent récolter quelques euros d'un mariage gadjé prévu le lendemain. Interrogez Osman. Il vous jurera que "Besame Mucho" a été composé par un vieux tzigane de Surdulica. De même, tout le monde sait que la chanson "Havana Naguila" est née sous les doigts magiques de Boban Markovic, le roi des brass bands balkaniques. Tant pis pour celles et ceux qui ont cru que ce chant était emblématique d'Israël...

La quarantaine entretenue au café-coca-slivovica, Boban Markovic habite une colline de Vladicin Han, un ancien relai de caravanes turques où le marchand trouvait jadis la quiétude d'un hammam avant de gagner les souks de Belgrade ou Skopje. Les minarets ont déserté l'horizon depuis belle lurette, mais cela n'empêche pas Boban et Marko, tout aussi fine gachette de la trompette que son paternel, de diriger l'antenne parabolique sur Istambul. "Notre musique est influencée par la musique orientale, qu'elle soit traditionnelle ou pop. Nous apprécions aussi les films égyptiens et les comédies musicales de Bollywood", raconte celui qui joua les explosifs "Kalashnikov" et "Mesecina" sur la bande originale du film "Underground" d'Emir Kusturica.

Istambul sur les berges de la Morava ? Ce n'est ni une conséquence de la mondialisation ni un clin d'oeil ironique de l'histoire au lendemain de deux guerres entre Slaves et Albanais, orthodoxes et musulmans. Les fanfares tziganes trouvent en effet leurs origines dans les campagnes de recrutement de la Sublime Porte. Ce sont elles qui accompagnaient les armées du Calife et galvanisaient les janissaires à l'assaut des incroyants. Aujourd'hui, les démographes des Balkans recensent toujours de minuscules pourcentages de Turcs et...d'Egyptiens. Il s'agit généralement des tziganes, éternels étrangers, descendants des nomades venus en Europe de la mystérieuse "Petite Egypte" au XVe siècle.

Plus au sud, chez les Roms de Macédoine, ce ne sont plus seulement les origines des chansons qui se brouillent, mais aussi les rythmes. Ces derniers perdent toute régularité, adoptant des cadences infernales et deviennent turcs ou bulgares au gré des avis des musicologues. l'Empire ottoman semble ici une vague qui vient à peine de se retirer de la grève. A Kocani, ville sise entre la capitale et la frontière bulgare, le quartier tzigane accueille le voyageur d'un cordial "meraba" on ne peut plus turc. A converser avec les musiciens du cru, on apprend que plus loin encore, chez les Grecs d'Epire ou chez leurs voisins ottomans, ce sont aussi des musiciens roms qui célèbrent naissances, baptêmes, fiançailles, mariages et enterrements. Exubérantes, métissées, complexes, les musiques tziganes des Balkans mènent le bal et bousculent les frontières européennes en sautant le Bosphore d'un simple trémolo de clarinette. En témoigne un très beau double CD qui redessine une partition commune, de la Serbie à la Turquie en passant par la Roumanie, l'Albanie et la Grèce, que connaissaient jadis les passagers d'un certain Orient Express.

Thierry Sartoretti

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Commentaires
E
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M
l'Empire ottoman semble ici une vague qui vient à peine de se retirer de la grève. A Kocani, ville sise entre la capitale et la frontière bulgare, le quartier tzigane accueille le voyageur d'un cordial "meraba" on ne peut plus turc. A converser avec les musiciens du cru, on apprend que plus loin encore, chez les Grecs d'Epire ou chez leurs voisins ottomans, ce sont aussi des musiciens roms qui célèbrent naissances, baptêmes, fiançailles, mariages et enterrements. Exubérantes, métissées, complexes, les musiques tziganes des Balkans mènent le bal et bousculent les frontières européennes en sautant le Bosphore d'un simple trémolo de clarinette. En témoigne un très beau double CD qui redessine une partition commune, de la Serbie à la Turquie en passant par la Roumanie, l'Albanie et la Grèce, que connaissaient jadis les passagers d'un certain Orient Express.
E
Plus au sud, chez les Roms de Macédoine, ce ne sont plus seulement les origines des chansons qui se brouillent, mais aussi les rythmes. Ces derniers perdent toute régularité, adoptant des cadences infernales et deviennent turcs ou bulgares au gré des avis des musicologues. l'Empire ottoman semble ici une vague qui vient à peine de se retirer de la grève. A Kocani, ville sise entre la capitale et la frontière bulgare, le quartier tzigane accueille le voyageur d'un cordial "meraba" on ne peut plus turc. A converser avec les musiciens du cru, on apprend que plus loin encore, chez les Grecs d'Epire ou chez leurs voisins ottomans, ce sont aussi des musiciens roms qui célèbrent naissances, baptêmes, fiançailles, mariages et enterrements. Exubérantes, métissées, complexes, les musiques tziganes des Balkans mènent le bal et bousculent les frontières européennes en sautant le Bosphore d'un simple trémolo de clarinette. En témoigne un très beau double CD qui redessine une partition commune, de la Serbie à la Turquie en passant par la Roumanie, l'Albanie et la Grèce, que connaissaient jadis les passagers d'un certain Orient Express.
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  • Devant le miroir du monde se tient Alice qui dit : "j’ai un sceptre a la main et une couronne sur la tête, laissons s’approcher les créatures du miroir qu’elle qu’elles soient, qu’elles dînent avec la Reine Rouge, la Reine Blanche et moi…"
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